samedi 26 octobre 2013

Lettre aux parlementaires à propos du TSCG: réponse et contre-réponse

Voici la réponse que j'ai reçue d'une députée socialiste à mon courriel, et ma contre-réponse juste après:
Madame,

Vous trouverez ci-dessous la réponse du groupe socialiste aux Parlements wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles à votre interpellation.

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’UEM (TSCG) a été ratifié au Sénat le 23 mai 2013 et à la Chambre des représentants ce 20 juin 2013. Ces votes constituent en fait une étape dans le processus de ratification qui concerne l’ensemble des parlements.

Le Traité est de toute façon entré en vigueur le 1er janvier 2013, puisqu'un nombre suffisant d'Etats l'avaient déjà ratifié à cette date ; ce qui rend caduque toute possibilité d’amender le texte. Par ailleurs les principales dispositions de contrôle budgétaire qu’il comporte s’appliquent déjà à la Belgique depuis le 13 décembre 2011, via les règles imposées par le fameux Six-Pack- le Pacte de stabilité et de croissance révisé. Le PS s’était opposé au Six Pack au Parlement européen mais nous y avions été battus par une majorité de droite.

Contrairement à ce que l’on entend parfois dire, ne pas voter le TSCG ne permettrait pas d’atténuer la contrainte budgétaire - qui a d’ailleurs été encore accentuée par le vote récent du Two Pack auquel nous nous sommes également opposés au Parlement européen.


La confirmation flagrante que la Belgique se trouve déjà dans un régime contraignant imposé par les Six-Pack et Two-Pack s’est manifestée par la mise en demeure de la Belgique par la Commission européenne le 29 mai dernier. Ce n’est donc pas le Traité qui nous impose de faire des efforts supplémentaires sous une menace de sanction (bien qu’entré en vigueur, il n’est pas encore d’application pour la Belgique) mais bien les règles qui sont déjà d’application dans le cadre de la nouvelle gouvernance économique européenne.

Pourquoi, dans ce contexte, voter le TSCG direz-vous ?

Car ne pas voter le TSCG nous empêcherait de pouvoir recourir au Mécanisme européen de Stabilité (MES), un mécanisme instituant pour la première fois une véritable solidarité entre les Etats membres de l’Union européenne. Ne pas ratifier le Traité serait, de ce point de vue, un gâchis puisqu'on y perdrait la solidarité sans alléger la rigueur. Le PS se bat depuis plusieurs années pour qu’un mécanisme européen de gestion des crises et de solidarité soit mis en place, et nous considérons que ceci constitue la seule véritable valeur ajoutée du Traité par rapport au droit européen existant. Refuser l’accès au MES serait donc absurde voire même irresponsable car que ferions-nous en cas de nouvelle crise bancaire sans ce mécanisme d’aide ?

Ceci étant dit, la transposition de la règle d’or nécessitera une vigilance extrême. C’est pourquoi le PS a exigé et obtenu qu’un débat soit organisé au Parlement au moment de la transposition de la règle d'or et que les syndicats y soient notamment invités. Il faut assainir les finances publiques, mais le rythme de l'assainissement et la manière de le mener sont des questions essentielles sur lesquelles le PS fera entendre sa position avec clarté et fermeté.

C’est dans cette optique qu’Elio di Rupo et Laurette Onkelinx ont d'ailleurs déjà obtenu de rectifier la trajectoire budgétaire de la Belgique. Ainsi, si cette trajectoire n’avait pas été modifiée, rien que pour 2013 c’est un effort supplémentaire d’au moins 1,5 milliard d’euros qui aurait été nécessaire pour remplir nos obligations européennes !

Par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que le traité prévoit des exceptions à la règle d'or, dont des circonstances exceptionnelles sur lesquelles les gouvernements n’ont pas prise (grave récession économique, par exemple).

Le PS se bat en parallèle pour construire un vrai budget européen qui permettra de concrétiser un plan de relance à l'échelle européenne mais aussi pour une politique industrielle européenne, un salaire et un impôt minimum, le juste échange... C'est notre Six-Pack socialiste qui s'oppose au Six-Pack d'austérité de la droite. Le vrai problème de l'Europe aujourd'hui est en effet celui-là : alors qu'elle avance sur la convergence en matière budgétaire, elle laisse subsister une insupportable concurrence sur le plan fiscal et salarial, et ne mène qu'une trop modeste politique de relance. Avec nos amis du PSE nous entendons peser de tout notre poids pour la faire évoluer vers une Europe de la convergence, de la croissance et de la solidarité.

Madame,

Je vous remercie vivement pour votre réponse, mais ne peux toutefois m'empêcher de me demander, au vu de son contenu et du fait qu'il émane de votre secrétariat, si vous avez réellement pris connaissance de mes arguments.

En effet, vous invoquez comme raison principale pour ratifier le TSCG le fait qu'il conditionne l'accès au MES, "mécanisme instituant pour la première fois une véritable solidarité entre les Etats membres de l’Union européenne" écrivez-vous. Or, je souligne bien dans mon courriel que le MES ne constitue en rien un mécanisme de solidarité entre les peuples. Tant que le remboursement de la dette des pays en difficulté n'est pas suspendu pour en évaluer les composantes légitime et illégitime, et tant précisément que l'accès au MES est conditionné à l'application du TSCG, il ne peut qu'aggraver la situation des populations des pays en difficulté puisqu'il fait du remboursement de la dette une priorité aux dépends de mesures de relance et pire, au prix du démantelement d'acquis sociaux et de l'accroissement des inégalités. La seule chose qu'il autorise, c'est de continuer à rembourser les créanciers des pays endettés, au mépris total de la légitimté de ces créances.

Vous demandez: "que ferions-nous en cas de nouvelle crise bancaire sans ce mécanisme d’aide ?"
Précisément, l'audit que j'évoque ci-dessus aurait notamment pour but d'évaluer la légitimité des garanties d'Etat apportées aux banques privées sans condition. Socialement à tout le moins, ces garanties sont illégitimes puisqu'elles consistent à faire peser sur les citoyens les conséquences de la crise financière dont ils ne sont aucunement responsables. Par ailleurs, le problème d'accès au crédit que vous mentionnez, à savoir que les taux d'intérêt auxquels la Belgique peut se financer sur les marchés monteraient en flèche en cas de nécessité de débloquer effectivement les garanties financières faites aux banques, ce problème n'existerait pas si les Etats pouvaient se financer directement auprès de la banque centrale européenne - une faculté qui devrait être exigée par tous les partis de gauche s'ils se positionnaient conformément au courant politique dont ils se revendiquent.

Vous mentionnez que "Le PS se bat en parallèle pour construire un vrai budget européen qui permettra de concrétiser un plan de relance à l'échelle européenne", mais cette relance n'est précisément pas possible si les pays fortement endettés doivent se soumettre aux exigences du TSCG, en particulier réduire leur dette à un rythme soutenu (1/20 du montant au-dessus de 60% du PIB par an), ce qui les oblige à prioriser ce poste de dépenses aux dépends de la relance.

Enfin, il me paraît totalement incohérent et injustifiable de voter contre les 6-pack et 2-pack au niveau européen et de ratifier le TSCG au niveau national. Vous avancez que voter pour ou contre ce traité ne changera rien: pourquoi ce texte est-il soumis au vote des Parlements nationaux dans ce cas? Et s'il s'agit réellement d'une mascarade, ne devriez-vous pas vous insurger contre en boycottant la séance de vote avec votre groupe politique, ce qui aurait pour effet de bloquer la ratification du texte et d'ouvrir un débat? Déclarer publiquement que votre marge de manoeuvre est nulle dans un dossier d'une telle importance est extrêmement grave et contribue à faire le jeu de l'extrême-droite, puisque cela revient à déclarer à l'électeur que voter pour vous ou pour un autre parti "démocratique" ne fait aucune différence en ce qui concerne les questions politiques essentielles.

En espérant que ce courriel vous conduira à reconsidérer votre position, je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de ma considération citoyenne.

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